Il m'a fallu un certain temps (une trentaine d'années) pour comprendre que ma peinture est portée par la recherche d'un lieu, d'une possibilité d'habiter le monde.
Mais il faudrait parler plutôt d'invention d'un lieu. Car la mémoire est mon outil, ou s'entassent motifs et fragments de réalité, impressions et traces de vision associant un lieu, un moment, une image. Ma peinture est une forme d'anamnèse : une fiction.

La série Boiseries a été initiée à l'été 2017 ; elle se développe aujourd’hui dans une installaion picturale et sonore : « Faux-raccords ».

 

Faux-raccord

Notre rapport au monde est marqué par l’artifice et la fiction.
Nous créons des mondes, nous inventons des histoires, des mythes, pour tenter de construire un lieu habitable. Pour tenter d’être au monde, quelque part.
Ce sont ces fictions qui peuplent nos imaginaires et nous font rêver d’un âge d’or.
Ce sont elles qui nous font croire aujourd’hui qu’il faut sauver la planète ; elles qui nous donnent l’orgueil de penser que nous pourrons y arriver. Mais ce sont nos récits que nous voulons sauver : ce monde d’artifice que nous avons créé.

La planète ne pense pas, ne rêve pas. Nous, oui. Et c’est pourquoi ce que nous créons nous est plus essentiel que ce que nous détruisons.

La peinture est une de ces fictions. L’installation « Faux-raccord » met en scène l’horizon fictif d’un lieu enveloppant et accueillant, mais aussi inquiétant, comme le sont les paysages de contes ou les mondes lointains qu’évoquent certains mythes.
La peinture enveloppe l’espace d’une prolifération végétale évoquant une nature édénique et virginale. Un lieu idéal où apparaissent des figures errantes qui prennent d’étranges poses d’atelier. Animaux morts, stèles funéraires antiques, objets à l’abandon sont autant de natures-mortes qui évoquent une présence paradoxalement vivante. Accessoires laissés là ou posés sur la surface peinte comme autant d’indices, mais de quoi ?
Fausses pistes en vérité, car rien n’est caché ici : aucun message, aucune leçon.
Il s’agit de mise en scène, de la construction d’un lieu, lui-même habité par des sons, des fragments et bribes sonores qui suggèrent aussi bien un au-delà de l’enveloppement végétal.
Un horizon lointain convoqué par ces haut-parleurs qui jonchent le sol où courent des fils raccordés à des amplis hi-fi d’un autre âge. Bricolage à partir des restes d’un monde presque effacé.

Entre le monde édénique de Paul et Virginie et la forêt inquiétante du petit Poucet, « Faux-raccord » est un refuge et un repère nourrit de voyages, de littérature, de poésie et d’utopie.